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JOUR 5
Rencontres

 Mercredi 16 janvier

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       Ce mercredi, Nahla et Louna sont à leur tour désignées lors du petit déjeuner pour tenter une nouvelle fois d’obtenir des renseignements de la mairie. Elles commencent par se rendre au Servicio de la atencion ciutadana, qui semble être un pôle d’information pour les services de la ville. Après l’attente d’une conseillère qui leur explique gentiment qu’elle ne peut rien faire pour les renseigner car ce service ne s’adresse pas directement aux citoyen(e)s, elles sont redirigées vers les Oficinas technicas, qui s’occupent pour partie de l’urbanisme et de la réhabilitation urbaine. C’est reparti pour un marathon !

 

Sur place, encore un léger temps d’attente, leur apprenant que la qualité première d’un(e) chercheur(se) doit sans doute être la patience, puis une conseillère les reçoit. Il  est difficile de se faire comprendre, et de justifier leur désir d’obtenir des informations sur le quartier d’Errekaleor. Finalement, elles expliquent le projet d’étude en détail, en essayant de mettre la conseillère en confiance ; c’est à ce moment qu’elles comprennent l’impasse dans laquelle mairie se trouve vis-à-vis du quartier. La conseillère d’urbanisme qu’elles étaient censées rencontrer refuse de les recevoir car, selon ses mots « la mairie n’est plus concernée par le quartier [d’Errekaelor], elle n’a plus de contact avec lui ». Le sentiment d’impuissance des pouvoirs publics vis-à-vis de l’organisation du quartier se fait sentir. Errekaleor est bel et bien un sujet tabou.

 

La mairie semble ne plus savoir comment se positionner : elle a conscience qu’une grande partie de la population de la ville soutient l’existence du quartier, comme en témoignent les manifestations qui ont eu lieu lorsqu’ils ont coupé l’électricité et tenté d’expulser les habitant(e)s d’Errekaelor en envoyant les forces de police, mais ne peut se résoudre à tolérer l’émancipation et l’autonomie d’une partie de son territoire. Errekaleor est en fait un squat différent des autres : si les squats sont tolérés dans la région, voire soutenus, le quartier étudié est particulier par sa réelle volonté d’autosuffisance, d’autonomie et d’autogestion.

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Nahla et Louna n’ont pas pu obtenir de renseignements précis malgré leur insistance ; nous en avons, lors du débriefing, conclu que ceci était une information en soi, et que tout ce que la mairie refusait de nous dire exprimait en filigrane leurs positions sur le plan politique, social (en considérant l’approche des élections municipales). L’institution dominante qui est supposément détentrice du savoir officiel préfère ne pas parler que de dire quelque chose qui pourrait la mettre dans une position encore plus délicate. Cela met en lumière la fracture entre les institutions officielles et le quartier, où le dialogue et donc un consensus ne sont même plus envisageables.

 

Pendant ce temps, Bastian, qui n’a pas supporté longtemps le climat froid et humide basque est est tombé malade, s’est rendu dans une pharmacie ; il en profite pour discuter avec le pharmacien, qui lui dit que les habitant(e)s de Vitoria Gasteiz sont plutôt bienveillant(e)s vis-à-vis du quartier, mais ne se prononcent pas trop sur le sujet.

 

A Errekaleor, le reste du groupe continue de travailler au four, ce qui permet à bon nombre d’entre nous d’échanger avec les habitant(e)s qui le conçoivent. L’échange avec les habitant(e)s est néanmoins moins important que ce que nous aurions souhaité ; lors du partage du repas repas préparé par Mogli et Z., avec une vingtaine de personnes, au soleil, les habitant(e)s n’étaient pas très bavard(e)s. Nous découvrons que la cuisine collective sert en fait très peu ; elle est utilisée lors des grandes occasions, des activités collectives, et lorsque des personnes sont invitées.

 

A la suite du repas, certain(e)s d’entre nous commencent à aider les habitants pour faire un ménage général dans le quartier (ou peu d’habitant(e)s participaient, étonnement) quand d’autres commencent à discuter plus profondément avec Marco, présent ici grâce à son cousin et postulant actuellement pour devenir membre du quartier. Elles se détachent donc du groupe pour discuter avec les habitant(e)s. Guidé(e) par Marco, elles ont été invitées à prendre le thé chez deux personnes, ont pu discuter avec d’autres habitants à l’extérieur, et ont même été invitées à écouter et observer des habitant(e)s du “quartier des hippies” jouer d’un instrument basque typique. Ces moments ont été riches en informations récoltées pour notre étude, mais aussi en rencontres et en partage.

 

Pendant ce temps, une partie d’entre nous participe au ménage des espaces publics : râteaux en main, nous ramassons les feuilles, et, pour faire passer le sentiment d’exploitation (c’est donc ça, le travail de terrain ?), nous en profitons pour discuter. Nous essayons d’aborder la question de l’organisation et de la gestion du quartier, et il en ressort clairement des divergences d’opinion. En théorie, tout le monde est chargé de s’occuper de certaines tâches, mais en réalité certain(e)s participent moins que d’autres aux activités de groupe (la preuve en est…). Selon S, Errekaleor permet à ses habitant(e)s d’acquérir un savoir varié, chacun(e) s’essaye à différentes activités et tâches, en apprenant sur le tas.

 

Nous quittons finalement le quartier, sans prévoir de rendez-vous particulier pour le reste de la semaine. Une fois rentré(e)s à l’appartement du centre, nous nous réunissons, un peu fatigué(e)s, pour faire le compte rendu de la journée. Il en ressort que nous avons désormais une vision plus précise, moins idéalisée et plus nuancées de l’organisation de la vie du quartier. Nous nous félicitons également d’être parvenu(e)s à changer notre rapport au lieu, et d’avoir perdu la position d’observateur(rice)s pour une position de participant(e)s, au prix de deux heures de ménage...

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